De son propre aveu, Anish Kapoor travaille sur la conscience humaine. Le miroir est selon lui le matériau qui représente le mieux cette conscience de soi car il représente le monde tel qu’il est (mimesis) mais en plaçant en son centre le sujet qui s’y reflète. A l’opposé de cette démarche, Leviathan fait appel à nos sens, proposant au visiteur de vivre une expérience immersive.
Anish Kapoor, Leviathan, 2011
Contrairement aux sculptures sphériques de l’artiste britannique autour desquelles le regardeur tourne pour se mirer et voir le monde en image inversée et déformée, Léviathan est une forme creuse dans laquelle le regardeur pénètre et se promène. L’opacité et la dureté du matériau ont cédé la place à une matière plastique souple, rouge et translucide. Entré dans l’enceinte, le visiteur voit son pas freiné par l’obscurité tandis qu’un cercle orangé s’élève au-dessus de lui. Les repères sont bousculés. La profondeur, la distance qui nous sépare des parois de l’œuvre, sont des données brouillées et confuses. Les sensations qui en découlent peuvent être déstabilisantes pour certains (chaleur, vertige) mais une fois installé dans l’œuvre, c’est une sensation de bien-être qui domine. Kapoor a traversé le miroir et au lieu de proposer un art de la conscience, nous invite à découvrir un art de l’expérience. Ce n’est pas avec sa raison que le sujet percevant appréhende l’œuvre mais avec son corps et sa kinesthésie. Il mesure la dimension de l’œuvre avec ses pas, teste ses capacités acoustiques avec des cris et des claquements de mains. L’œuvre est ludique pour les uns ou une invitation au recueillement pour les autres. En effet, la couleur rouge et la forme sphérique feraient penser au ventre maternel si des lignes ne venaient évoquer les briques d’une voute romane. L’architecture se déconstruit et propose des lignes de fuites qui s’échappent dans des trous béants au sein des parois de l’antre maternel.
La couleur rouge, la lumière diffuse, l’évocation du ventre maternel ou d’une église, tout nous conduit à la contemplation. De nombreux visiteurs s’étaient installés dans l’œuvre, assis par terre, se laissant aller à discuter, échanger, ou simplement se rencontrer. Finalement Leviathan permet l’expérience de l’autre en même temps que l’expérience de l’œuvre.
Formes monumentales et insolites, Leviathan est certainement l’un plus beaux chefs d’œuvre d’Anish Kapoor.
A découvrir au Grand Palais jusqu’au 23 juin 2011.