Un événement majeur dans l’histoire de la FIAC vient de se produire qui n’a pas été suffisamment souligné. Enfin, cette Foire est entrée dans le monde très hétéroclite de l’art contemporain et d’aujourd’hui. En effet, elle propose habituellement autant d’œuvres de la période moderne que contemporaine et pratiquement pas d’art d’aujourd’hui. Mis à part quelques vidéos d’artistes, nous n’y voyons traditionnellement ni installations ni performances d’artistes.
Mitchell-Innes & Nash ont proposé à un public ravi une performance signée William Pope. L . Né en 1955 dans le New-Jersey, Pope invite régulièrement des tiers à se joindre à lui pour une performance comme Crawl en 2002 durant laquelle des volontaires rampaient devant le parvis d’une église (Portland, Maine). La performance Cusp montrée à la FIAC cette année faisait intervenir quatre acteurs qui portaient un masque du Président Obama et revêtaient un pyjama. Trois d’entre eux portaient un énorme rocher artificiel qu’ils soulevaient et faisaient pivoter lentement. Le quatrième était allongé sur un tas de terre, sous l’énorme masse, à la merci des trois « autres lui-même ».
Les notions de poids, d’écrasement et de lutte apparaissent clairement dans la mise en scène. Mais ce qui est le plus frappant dans cette œuvre reste la temporalité d’une extrême lenteur qui contraste avec l’urgence du temps contemporain. Obama n’est pas une personne, un individu mais une icône, une représentation sur laquelle l’humanité tout entière a projeté ses espoirs. Pourtant, son héritage politique, symbolisé par l’énorme rocher, l’écrase et il ne faut pas un mais quatre Obama pour surmonter la tâche qui lui est assignée. Comment ne pas penser en voyant ce gros caillou à Sisyphe dont l’activité régulière est en fait une punition. La scène proposée par William Pope. L est en définitive absurde car sans fin, basée sur un éternel retour de ce rocher sur le corps allongé et inerte du Président américain.
La scène dure 75 minutes et c’est certainement dans cette durée que réside la performance des acteurs qu’il nous faut saluer au passage. Nos contemporains, dans leur quotidien, n'ont plus la perspective rassurante d'un après tant le temps s’est rétréci en s’accélérant. La discontinuité de l’urgence, l'éphémère de leurs actions les frappent dans leur instantanéité. La synchronie s'impose au détriment de la diachronie et notre relation au temps est devenue aussi angoissante que celle de Roquentin dans La Nausée. Cusp au contraire nous présente un temps dilaté, un temps qui donne le temps au temps mais où il ne se passe rien. L’œuvre n’en demeure pas moins un instantané qui dure au lieu d’avancer. C’est un temps angoissant, un temps contemporain qui nous aura été présenté.